claire angelini – ttes les îles-install

 

TOUTES LES ÎLES NE SONT PAS ENTOURÉES PAR LA MER

NOT ALL THE ISLANDS ARE SURROUNDED BY THE SEA

INSTALLATION


Ce projet prend acte de cette antinomie entre l’installation et la migration, qui est le sujet de ce travail. A ce titre, l’installation refuse la linéarité, elle fait de l’éclatement, de la fragmentation et de la lacune, le principe même de son écriture.

L’installation des des-installés interroge à sa racine le dispositif même de l’installation artistique : celle-ci éclate pour reconfigurer un archipel d’histoires rassemblés en un montage combinant divers medias.



FICHE TECHNIQUE

2006

Table, documents d’archive, dessins, installation sonore acousmatique, 2 films, témoignages, 30 photocopies A3 noir et blanc.

Image, réalisation, spatialisation: Claire Angelini

Son: Claire Angelini

Construction et technique: Pipon

Interprétation: Micha Maiaitsky

Textes: Berthold Brecht, Joseph Roth, W.G. Sebald, Bundesministerium des Innens.

Langues: français, allemand

Témoignages: Anasthasios F., Dominique A., Bico V., Nassima B., Juliette R., Landry T., Moni S., Mathilda L., Valeria L., Edouard V.

Documents: 100 Fiches de recensement de travailleurs immigrés 1960, France. 

Production: Institut Français de Munich et OFAG, Cologne.

Lieu: Institut français de Munich





 

Transformé en un lieu d’exposition de la question migratoire - par montage in situ de fragments (films, dessins, documents d’archives, témoignages,  - via sons, images photographiques, textes, fragments audiovisuels - l’espace intérieur d’un Institut français (Munich). Soumise aux fortes contraintes d’une architecture d’apparat qu’il s’agit de mettre en tension, l’installation dessine au fil des espaces traversés (salles de réunion, couloirs, escaliers, coursives) la forme éclatée d’un archipel. Rassemblant un ensemble d’histoires-témoignages et de documents, le projet développe par un système d’échos et de renvois l’idée d’une cartographie « trouée » et subjective de la migration. Sollicité à écouter, regarder, mais aussi croiser cette subjectivité des récits et des rêves avec la concrétude des chiffres, règlements, formulaires administratifs, appareillages juridiques, le spectateur se voit entraîné vers ce qui par définition demeure impalpable, ne pouvant se quantifier ni se réduire : l’aléatoire fragilité de nos tracés de vie.


Le projet s’attache à l’immigration comme histoire individuelle : l’immigrant est celui qui se définit dans le difficile face à face avec l'autre, dans l'imprévisible voire l'improbable jeu de la rencontre. Il porte en lui, invisible, une trame aux lignes brisées, faites de points de fractures et sutures qui deviennent avec le temps, ce qui fonde sa personne propre et singulière. L’installation est ici la mise en espace de ces lignes narratives inédites, qui produisent, si tant est qu’on les suive, une géographie singulière. Le montage des matériaux (hétérogènes mais reliés aux uns et aux autres par des liens visuels, narratifs, conceptuels, documentaires) dans l’espace, trace l’histoire collective d’un ensemble de bribes. Celles-ci, recueillies en Allemagne et en France et qui évoquent d’autres pays européens (Italie, Angleterre, Grèce) ou africains (Guinée, Algérie), font une part au fantasme et à l’imaginaire contenus dans le désir d’un ailleurs : une aspiration symbolisée par le fantasme de la « bonne immigration » (Canada), qui pourtant se heurte à la réalité des faits et des témoignages recueillis lors d’un séjour à Montréal. Mais l’installation est aussi ce travail d’exhumation de visages et de gestes, qui redonne vie à des destins oubliés : ces travailleurs du Péloponnèse arrivés en France dans les années soixante, et dont seules les fiches administratives émises à leur arrivée témoignent, que sont-ils venus chercher, que sont-ils devenus ? Les fragments d’images en mouvement mettent le spectateur face au surgissement de figures muettes aux regards fixes dont les étranges photographies d’identité trouent brièvement l’écran qui les voient apparaître. Avant de s’évanouir de la surface de projection, ils semblent interpeller la mémoire la plus actuelle de notre espace collectif.

HISTOIRE      POLITIQUE      EMPREINTE      TERRITOIRE                      CLAIRE ANGELINI