claire angelini – she/see
claire angelini – she/see
SHE/SEE
Résumé
Le point de départ du film est l’improbable rencontre d’une “boat-people” vietnamienne, avec l’Allemagne ; de la mer, par laquelle elle a fui son pays, de l’histoire présente, déchirement d’êtres, avec un lac mythique de la Bavière. La question est : comment filmer ce corps déplacé et, en lui, retenir les souvenirs qui se délitent?
Fiche technique
Vidéo numérique - 22 min
2007
Image, montage: Claire Angelini
Son: Claire Angelini
Témoignage: Minh-Nguyêt
Traduction: Hay Da Nguyen, Mathilda Legitimus
Textes: Didier Fassin, Richard Rechtman, Giorgio Agamben
Langue originale: vietnamien, français, allemand
Sous-titres: français, allemand, espagnol, anglais
Production: Claire Angelini
Diffusion: en salle et installation.
PROGRAMMATION
Rétrospective, Werkstattkino, Munich, 2016
L’hypothèse du portrait, Maison des cultures d’Amiens 2009
Optica Festival internacional de Video Arte 2008
Nuit Blanche Paris Madrid Gigon 2008
Underdox 03 Munich 2008
Haus der Kulturen der Welt Rencontres Internationales Paris-Berlin-Madrid, Berlin 2008
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia Rencontres Internationales Paris-Berlin-Madrid Madrid 2008
Exposition «Hôtel Daheim», Starnberg, 2007
Cinéma Breitwand Starnberg 2007
Carte blanche à Heure Exquise 54ème Festival international du court-métrage Oberhausen 2008
e.n.s.b-a Rencontres Internationales Paris-Berlin-Madrid Paris 2008
L’An Vert, 20ème Instants vidéo nomades Liège 2007
12ème Biennale internationale de l’image contemporaine Centre Saint-Gervais Genève 2007.
Distribution: Heure Exquise et Claire Angelini
A bord d’un bateau de tourisme, sur un lac de Bavière où a été retrouvé le corps du roi Louis II noyé, une vietnamienne aujourd’hui réfugiée en Allemagne, son compagnon et traducteur, la réalisatrice et une traductrice.
Une narration fragmentaire et stratifiée s’affronte à une série d’impossibilités dont celle, pour la réalisatrice, de communiquer dans sa langue avec la fugitive ; à la nécessité de passer par la traduction. Un tiers, prêtant sa voix à la réfugiée, lui confisque sa parole – qui est parole de femme –, et accroît sa difficulté à faire retour sur sa propre histoire. Un manque se creuse à mesure que se déroule la narration. Cette défaillance qui surgit d’une bande sonore pourtant saturée de mots, est celle-là même de la mémoire. Aux sous-titres alors, comme élément à part entière de la physique du film, de proposer de prendre en charge le manque dans un autre régime de parole, celui, abstrait, d’une réflexion sur le traumatisme du réfugié.Et du jeu complexe de questions-réponses à trois voire quatre voix, en trois langues (français, allemand, vietnamien), de cet impossible palimpseste que l’incongruité du lieu – un bateau de touristes sur ce lac mythique associé à Sissi et Louis II – porte ici à son comble, émergent des fragments d’histoire : celle de cette femme, celle de son pays déchiré, celle de son voyage en mer, et, au-delà, celle de la condition de réfugié dans le monde actuel. De la disposition des voix, de la prégnance sonore et visuelle du lieu, et des incertitudes de la traduction, surgit le vide délinéant celui de la vie de l’exilée et l’indécision quant à l’identité de celle qui parle, indécision identitaire devenue alors sa blessure invisible.
She/ See
Claire Angelini travaille sur la mémoire. La mémoire collective qui s’inscrit dans des histoires personnelles, l’universel qui se reflète dans l’individuel, mais surtout la trace, parfois ténue, même invisible, que les événements peuvent laisser. Déjà dans Ein loch im Handshuh (Un trou dans le gant),en 2004, elle sondait un bunker construit en 1941 et destiné à un usage civil, à Munich. Les sons, les éclats de lumière s’imbriquaient pour faire ressurgir le passé.
Les films de Claire Angelini ne sont pas à proprement parler des documentaires. Ils sont moins à la recherche de l’événement que de la trace que celui-ci a laissé chez ses protagonistes, et, a fortiori, dans la société qui l’a suivie. She/See est né d’une rencontre: celle de la réalisatrice et d’une femme, une boat-people qui a quitté le Vietnam pour finir sa course en Allemagne. Le film flirte là aussi avec les frontières de l’abstraction. De cette femme exilée n’apparaîtront que des bribes: une main, un profil caché par une masse de cheveux, un dos- la cinéaste préfère à son corps sa voix, et l’eau du lac de Starnberg en Bavière. Le bateau avance, et les souvenirs se cristallisent dans la trace éphémère qu’il laisse derrière lui, avant que le lac ne retrouve son calme et les mythes qui l’entourent. Les voix de la réalisatrice, de la femme, de la traductrice et d’un homme se succèdent dans une polyphonie qui transcende le simple témoignage et questionne la problématique de l’identité dans un monde qui chasse sans totalement accueillir, un monde qui fait taire les voix innombrables qui n’ont la parole que dans des lieux de passage, comme ce lac de Bavière. Les voix sont comme les traces des fantômes qui s’élèvent sur le passage du bateau, pour les réfugiés de tous les temps, d’hier, aujourd’hui et demain. Car aucune image ne peut raconter l’aventure de cette femme et de tous ceux qui, comme elle, ont un jour connu l’exil. Mais ses mots peuvent faire beaucoup plus, soutenus par le bruit du bateau qui continue sa course.
Cécile Giraud, revue Bref, 2009