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L’ENFANCE DE L’ART, UNE INVENTION


FILM


Si les frère Lumière, industriels bourgeois, ont filmé leur monde, quelle place ont-ils octroyée aux travailleurs sur leurs premières images en mouvement? Autrement dit, le cinéma est-il une machine qui participe de l’exploitation ou porte-t-il en germe la promesse émancipatrice d’un bonheur reconfigurant –en en fixant les traces– notre rapport au travail, c’est-à-dire accordant une place pleine et entière aux loisirs et à l’art? Ce film, qui laisse ouvert le débat, est une relecture personnelle de quelques vues Lumière dont certaines ont été montrées lors de leur première projection publique le 28 décembre 1895 à Paris.



FICHE TECHNIQUE


France  l 2017  I HD I Couleur I 25 minutes

Réalisation et montage: Claire Angelini

Image et son: C. Angelini

Narrateur: Olivier Balazuc

Conseiller historique: Laurent Mannoni, Archives françaises du film

Production: Abanera

Langue: français

Sous-titres: anglais.





DIFFUSIONS

Les rencontres de l’avenir, Dijon, 2018

Etats généraux du film documentaire de Lussas, Section Expérience du regard, 2018

Festival de la fondation Boris Lehman, Fisennes, Belgique, 2017

Les rencontres-promenades en pays d’Argentat, Dordogne, 2017.

Soirée ITEM, 2024.





LIEN DE VISIONNEMENT

http://derives.tv/lenfance-de-lart-une-invention/









 

 
film

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HISTOIRE      POLITIQUE      EMPREINTE      TERRITOIRE                      CLAIRE ANGELINI

L'enfance de l'art, une invention

Par Martin Lefebvre, Concordia  University  Research Chair in  Film Studies, / Director, Ph.D. program in Film and Moving Image Studies, Montréal, Canada


Un film sur le cinéma. Sur la machine. Mais aussi sur les rapports sociaux qui s’opèrent dans la suture qui greffe l'un à l'autre  le dispositif mécanique et ses représentations, tant celles du prolétariat et du travail que celles de la bourgeoisie et du  temps libre. Le temps libre: celui de l’enfance — mais pas les enfants des ouvriers. Le temps de l’enfance… de  L’Enfance de l’art.


Au cinéma, l’enfance de l’art c’est à la fois la mécanique — la machine à coudre maternelle, celle de Madame Lumière qui donnera naissance au Cinématographe en y entraînant la pellicule — et des images qui ne sont pas encore celles d’un art, mais plutôt celles d’une invention dont l’inventeur lui-même disait qu’elle était "sans avenir", condamnée d'avance à la désuétude. Mais c’était après avoir fait payer ceux qui en avaient les moyens pour venir voir l’invention du jour et ses représentations au Grand Café, rue des Capucines à Paris. Quel hasard heureux (mais s’agit-il vraiment d’un hasard?) dans le beau film de Claire Angelini de voir, devant ce qu’est devenu aujourd’hui le Grand Café, l’affiche d’une pièce de boulevard intitulée  La Vraie vie  (dont l’auteur a pour nom… LACAN!). Inconscient du film, film de l’inconscient. Psychanalyse et cinéma ne naissent-ils pas en même temps? Enfance de deux arts de l’interprétation? La machine de maman Lumière prend un autre sens… Et ce lieu, qu’est-il devenu aujourd’hui?  L’Enfance de l’art  nous le montre: c’est l’hôtel Scribe… On nous le montre, à la manière du bloc magique freudien où les couches du temps redoublent celles du refoulement: scribe, comme dans écriture, comme dans graphie, comme dans cinémato-graphie… le présent ayant raturé, effacé le passé, mais pas entièrement. Le passé a laissé des traces, des indices. Autre hasard heureux: cet autobus qui passe devant la facade de l’hôtel Scribe et dont les fenêtres créent un effet “flicker” comme s’il s’agissait de photogrammes… Cette fois c’est la matière du monde qui devient cinéma et on fait le trajet inverse: du présent vers le passé, de l’hôtel Scribe vers vers le Grand Café, vers le Cinématographe. Marche arrière du temps, comme sur une monteuse.

Bien sûr, il y a ici comme le fantôme de Godard: les images d’une pellicule qui défilent dans une monteuse (en passant, les images ralenties tirées de la monteuse sont saisissantes) ne peuvent que renvoyer à lui. Mais Godard reste la plupart du temps dans le rêve de la représentation cinématographique (pensons aux  Histoire(s) du cinéma) alors qu’ici, par le discours socialiste surplombant les images de travailleurs  ET  celles de la bourgeoisie lyonnaise de la famille Lumière, on dirait plutôt une volonté de retrouver une réalité sociale (comme une ostentation que permet le cinéma: VOICI les travailleurs, VOICI les bourgeois dont on vous parle… VOICI la VRAIE VIE) — en un sens, là où l’homme de Rolle est encore un idéaliste, Claire Angelini se présente en réaliste. Et pourtant… On ne pourra s’empêcher d’entendre l’utopie socialiste du commentaire comme une  fiction  futurologiste  dès qu’on opère notre propre montage et qu'on juxtapose cette voix-off aux images d’aujourd’hui qui montrent les magasins du boul. des Capucines… Or ce qu’on voit ici est un magasin GAP. Gap… c’est-à-dire écart…écart comme dans ce qui sépare les photogrammes d’une pellicule, mais aussi écart entre la machine et ses usages, entre la vie et sa représentation, entre la prolétariat et la bourgeoisie… Non, après tout, il n’y a pas de hasard.

Dr. Martin Lefebvre